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Transformation de la fonction publique : analyse des dispositions


Le projet de loi de transformation de la fonction publique, sur lequel le Gouvernement avait engagé à la fin du mois de mars dernier une procédure accélérée, a été définitivement adopté, passant sans difficultés le cap du Conseil Constitutionnel le 1er août.


Le juge constitutionnel a validé les dispositions pour lesquelles il avait été saisi, notamment l'encadrement du droit de grève dans certains services publics locaux, et l'ouverture des emplois aux contractuels.



Malgré les critiques fortes sur le texte, notamment de la part des syndicats de fonctionnaires pointant du doigt la précarisation toujours plus importante qu’il impose au statut, la "privatisation de la fonction publique" dénoncée est à nuancer. A l’inverse, d’autres voix regrettent la nature purement technique du texte, qui ne « transforme » pas la fonction publique comme il prétend le faire.


Une prise de recul s’impose : loin d’une « transformation » en profondeur de la fonction publique, nombre des dispositions prévues ne font en réalité que prolonger certains mouvements déjà engagés au sein des collectivités territoriales et ne constituent donc qu’une forme de normalisation de ce qui se fait déjà.



Un « nouveau contrat social »


Premièrement, le texte n’apporte pas de bouleversements majeurs mais tend à aligner le modèle de la fonction publique sur celui du privé, pour donner plus de souplesse dans les modalités de recrutement et plus largement la gestion des effectifs. En ce sens il répond aux vœux formulés par certaines associations d’élus en 2018 (France Urbaine, APVF) demandant plus de souplesse aux employeurs territoriaux.


Plusieurs mesures vont dans ce sens :

  • L’harmonisation du temps de travail (article 47) : le texte prévoit l’abrogation des régimes dérogatoires à la durée légale de travail (1607 heures) fixés avant la loi du 3 janvier 2001, dans un délai d'un an suivant le renouvellement général des assemblées délibérantes (avec application effective au 1er janvier de l'année suivante). De nouveaux cycles de travail devront donc être définis par délibération par les collectivités concernées :

  • en mars 2021 pour le bloc communal (communes et EPCI),

  • en mars 2022 pour les départements,

  • en décembre 2022 pour les régions.


  • La simplification des instances de dialogue social et la suppression des doublons CT / CHST (article 4) : elle conduira à la fusion des comités techniques et des CHSCT en un seul et unique comité social territorial, qui reprendra l’ensemble des compétences des deux organes préexistants Cette fusion se fait sur le même modèle que celle qui a été opérée dans le secteur privé avec le regroupement des trois instances représentatives du personnel au sein du comité social et économique.


  • L’expérimentation de la rupture conventionnelle, entre 2020 et 2025 (article 72) : cette mesure très attendue par les employeurs territoriaux, institue la rupture conventionnelle pour les agents de la fonction publique territoriale, à l’image de celle prévue par le code du travail. L’employeur et l’agent pourront ainsi convenir ensemble des conditions de rupture d’un CDI sans passer par un licenciement ou une démission. la loi apporte des garanties aux agents en fixant une indemnité de départ ne pouvant être inférieure à un plancher fixé par décret, et encadre les modalités de retour à l'emploi du fonctionnaire concerné (remboursement de l'indemnité de départ en cas de retour dans la collectivité ou une collectivité membre ou un établissement rattaché dans les 6 ans).


  • Un recentrage des missions des CAP (article 10), qui ne se prononceront plus que sur des décisions individuelles défavorables aux agents, et non plus sur les dispositions telles que mobilités et mutation.


  • Une "perméabilité" plus grande entre les 3 fonctions publiques (article 71) : grâce à la portabilité des CDI entre les fonctions publiques et la possibilité d’opérer le reclassement des fonctionnaires dont le poste serait supprimé sur un grade équivalent dans un autre versant de la fonction publique.


L’harmonisation du temps de travail sera un chantier lourd pour les collectivités après les municipales au vu des nombreux régimes dérogatoires applicables. Les autres mesures ne constituent pas des changements majeurs, elles tendent à effacer progressivement quelques spécificités du régime des fonctionnaires au regard du droit du travail dans le secteur privé.



L’assouplissement du recours au contractuels, un mouvement de fond :


Le second fil rouge de la loi sur la transformation de la fonction publique : donner « plus de liberté et responsabilité pour les managers publics en donnant plus de souplesses (…) dans les modalités de recrutements ». Elle se traduit par plusieurs mesures d'ouvertures aux contractuels :

  • Le recours aux contractuels sur des emplois fonctionnels (article 16), déjà existant au sein des collectivités, est étendu :

  • aux postes de DGS et DGST pour les communes et EPCI de plus de 40 000 habitants (contre 80 000 habitants auparavant),

  • aux postes de DGA pour les communes et EPCI de plus de 40 000 habitants (contre 150 000 habitants auparavant).

  • notons que les dispositions sont inchangées pour les Département et les Régions.


  • Le recours à des contractuels sur des emplois permanents est également élargi (article 16), il sera possible pour :

  • toutes les catégories d’emplois lorsque les besoins des services ou la nature des fonctions le justifient et si aucun fonctionnaire n’a pu être recruté (et non uniquement les emplois de catégorie A actuellement)

  • pour toutes les catégories d’emploi dans les communes de moins de 1 000 habitants et les EPCI de moins de 15 000 habitants (jusqu’à présent réservé aux seuls emploi secrétaire de mairie des communes de moins de 1 000 habitants)

  • les emplois à temps non complet dont la quotité de temps de travail est inférieure à 50 %, au-delà de ces seuils de population.


  • La mise en place d’un « contrat de projet » à durée déterminée (article 17), pour la conduite de missions spécifiques. La durée minimale de ce contrat devra être comprise entre 1 et 6 ans et correspondra à la durée du projet.


In fine, l'assouplissement du seuil de recrutement sur les emplois fonctionnels porterait le nombre d'emplois ouverts de 1 522 à près de 2 700, soit une ouverture relativement limitée.


Parler cependant d’une « privatisation de la fonction publique » apparait exagéré, d'une part car la loi n'assouplit pas considérablement l'ouverture aux contractuels (notamment sur les emplois fonctionnels) et, d'autre part parce qu'elle accompagne en réalité une tendance de l'emploi public. En effet, force est de constater que la tendance de fond soit déjà celle de l’augmentation du nombre des contrats : en 2017, les contractuels ont représenté 63% des entrées dans la FPT (18% pour les fonctionnaires), proportion qui tend à croitre alors que les effectifs des collectivités tendent à diminuer depuis 2 ans (à noter toutefois qu'en 2017, l'augmentation du nombre de contractuels résulte en partie de la transformation des emplois aidés).


Le recours aux contractuels est de plus en plus privilégié, notamment sur des postes spécialisés : l’évolution des métiers, notamment autour de la digitalisation et du numérique rendent de plus en plus nécessaire le recrutement de profils d’expertise. La loi permet, de ce point de vue, de bénéficier de compétences nouvelles apportées par des profils issus du privé.


Notons également que la loi apporte un certain nombre de garanties sur l'ouverture aux contractuels, à travers la Haute Autorité de Transparence pour la Vie Publique, qui se prononcera notamment sur certains cas de recrutements de contractuels ou sur les reconversions de fonctionnaires vers le privé.


De nouveaux leviers managériaux

Autre point d’assouplissement, la loi répond ainsi à une demande de plus de souplesse pour les managers notamment du point de vue de l’évaluation des agents, et en résultant, de l’attribution des primes.


Le nouveau régime indemnitaire (RIFSEEP) en déploiement prévoit en effet l’instauration d’une part variable « au mérite » : face aux difficultés de mise en œuvre, la loi apporte une réponse partielle en introduisant de nouveaux leviers managériaux :

  • La notation des agents est abandonnée (article 27) au profit de l’appréciation de la valeur professionnelle, plus souple.


  • Le RIFSEEP est ajusté: sa part variable et facultative - le Complément Indemnitaire Annuel - est confirmée dans la loi, mais assoupli en intégrant à l’évaluation individuelle, la notion de résultats collectifs du service (article 29).


  • Enfin, le principe de parité des régimes indemnitaires avec la fonction publique d’Etat pourra souffrir de dérogations locales sur les plafonds applicables dans les collectivités éprouvant des difficultés de recrutement.

Les contreparties : encadrement des droits des fonctionnaires

En contrepartie d’une meilleure « porosité » public-privé (encouragement aux départs volontaires et aux reconversions) et de la perméabilité des différentes fonctions publiques, la loi durcit les conditions de prise en charge des fonctionnaires dont l’emploi a été supprimé (article 77) :

  • Les conditions de prise en charge du traitement du fonctionnaire par le CNFTP sont réduites (de 2 à 1 an de prise en charge intégrale et dégressivité de 10% par an sans plancher).


  • Un licenciement au bout de 3 refus d’offres d’emplois acceptables dans les 5 ans (article 97 de la loi 84-53 de 1983 sur la fonction publique territoriale). ;


Par ailleurs, la loi encadre assez fortement le droit de grève dans certains services de la fonction publique territoriale (article 56), en donnant de fortes garanties aux employeurs publics pour leur permettre d’assurer la continuité des services avec notamment :

  • La possibilité de conclure un accord entre l’employeur et les organisations syndicales sur les modalités d’organisation des services en cas de grève prévoyant notamment les fonctions et le nombre d’agents minimaux pour le fonctionnement du service. En cas d’absence d’accord dans les 12 mois, l’autorité territoriale pourra imposer les modalités d’organisation des services en cas de grève.


  • Dans tous les cas, un délai de prévenance renforcé à 48H (jours ouvrés) et une rétractation au minimum 24h avant le début de la grève.


  • La possibilité pour l’employeur public d’imposer aux agents d'exercer leur droit de grève jusqu'à leur terme en cas de risques pour la bonne exécution des services (et ce afin d'éviter les grèves perlées);


  • Seront concernés uniquement les agents intervenants directement dans les services suivants : collecte et de traitement des ordures ménagères, le transport public de personnes, l’aide aux personnes âgées et handicapées, l’accueil des enfants de moins de trois ans, l’accueil périscolaire, de restauration collective et scolaire.


Enfin, la loi aligne le régime des fonctionnaires sur celui des contractuels en cas d’externalisation des services publics industriels et commerciaux, via le détachement d’office des fonctionnaires concernés (article 76), avec la possibilité à tout moment du détachement de demander à poursuivre ses activités au sein du secteur privé et donc de sortir de la FPT.


Pour finir, d'autres dispositions renforcent enfin les obligations de transparence sur les rémunérations (obligation de publication des plus hautes rémunérations à partir de seuils de population), les mesures destinées à favoriser l'égalité Hommes-Femmes et les mesures favorisant l'emploi des travailleurs handicapés (obligations de respect du quota minimum de travailleurs handicapés dans les effectifs à partir de 20 ETP, possibilité de la titularisation des travailleurs handicapés à l'issue d'un contrat d'apprentissage, possibilité de détachement sur un cadre d'emploi supérieur, sous conditions)





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