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Réforme de la taxe d'habitation : que sait-on aujourd'hui ?




L’OFCE, dans une étude parue le 26 juin 2017, est revenu sur la réforme de la taxe d’habitation portée par Emmanuel Macron. C’était un engagement de campagne d’Emmanuel Macron. Le gouvernement a, depuis, affirmé son intention de le tenir. Le dispositif d’exonération devrait entrer en vigueur progressivement dès 2018 et donner sa pleine mesure en 2021. L’objectif affiché est de redéployer du pouvoir d’achat vers les classes moyennes. Les chercheurs Pierre Madec et Mathieu Plane ont examiné les effets pouvant en résulter. Si la méthode, le calendrier et l’ampleur de cette réforme doivent faire l’objet de clarifications, on peut déjà en dire ceci :


  • La taxe d’habitation représente, approximativement, 1/3 des recettes fiscales des communes et EPCI et génère, après compensation des exonérations et des dégrèvements (4,4 millions de foyers sont déjà exonérés), 23 milliards d’euros de recettes pour les collectivités locales. Le gouvernement a pris l’engagement d’assurer la neutralité budgétaire du dispositif en compensant à l’euros près le manque à gagner pour les collectivités. Il souhaite le financer par des économies dans les dépenses de l’Etat. En fonction du mode de compensation mis en place – exonération ou dégrèvement – la neutralité budgétaire pour les collectivités pourrait ne pas être respectée.

  • Selon l’étude, si le seuil de revenu fiscal (20 000 euros par an par part fiscale) posé dans le programme d’Emmanuel Macron est appliqué, 16,6 millions de foyers bénéficieront de la mesure et 74% des ménages seront totalement exonérés. Le gain moyen par ménage serait de 325 euros. Ces gains seraient assez largement concentrés sur les déciles intermédiaires qui correspondent aux classes dites « moyennes ».



Le mode de calcul de la taxe d’habitation génère de très fortes disparités dans les montants acquittés par les contribuables : ces disparités résultent non seulement des différences de valeurs locatives cadastrales mais aussi des taux et des politiques d’abattement votés par les collectivités. L’étude de l’OFCE relève ainsi que dans 20 % des départements, les ménages acquittent en moyenne une taxe d’habitation inférieure à 416 euros tandis qu’un département sur 5 voit ses ménages acquitter un montant moyen de taxe d’habitation supérieur à 611 euros par an.


Ce mode de calcul conduit également des ménages aux revenus identiques mais résidant dans des communes différentes à payer un montant différent. Le poids de la taxe d’habitation dans le revenu des ménages varie donc selon le lieu de résidence.

De tels écarts se transmettraient dans les effets induits par la mise en place du dispositif exonératoire. Les impacts locaux d’une éventuelle suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages seraient doublement différenciés :

  • L’impact en termes de niveaux de vie serait bien évidemment proportionnel au poids de la taxe d’habitation dans le revenu des ménages, lequel, comme indiqué plus haut, n’est pas homogène.

  • L’impact territorial de la réforme serait également fonction de la richesse relative du territoire et donc du nombre de ménages exonérés : là où la population est relativement plus pauvre, le nombre de ménages exonérés sera plus important.


Les modalités d’application dans le temps du dispositif devraient être les suivantes :


  • La réforme fera l’objet d’une mise en place progressive, en 3 temps – 2018, 2019, 2020. Dès 2018 les contribuables concernés par le dispositif bénéficieront d’un allègement de 30% - ce qui représenterait approximativement 3 milliards de baisse d’impôt. Cette baisse se poursuivrait en 2019 et 2020 pour atteindre le montant total annoncé par le gouvernement, soit 8,5 milliards d’euros de baisse d’impôt.

  • Par ailleurs, les communes et communautés conserveront la maîtrise des taux. Si toutefois les conseils municipaux et communautaires décident de les augmenter, le surcroît d’imposition ne sera pas pris en charge par l’Etat mais acquitté par les contribuables. Emmanuel Macron l’a annoncé lors de son intervention devant les Maires de France le mercredi 22 mars 2017.


Une incertitude demeure quant aux modalités de la compensation. Les élus locaux plaident pour un dégrèvement tandis que le gouvernement semble vouloir privilégier une exonération. Les implications de ces deux systèmes en termes de neutralité budgétaire diffèrent :

  • L’exonération soustrait les contribuables exonérés des bases d’imposition (avec pour effet immédiat la diminution des bases nettes d’imposition pour les collectivités). Le manque à gagner pour les collectivités est compensé par l’Etat sous la forme d’une subvention inscrite dans les recettes budgétaires des communes. Cette compensation est partielle : le taux de référence à partir duquel l’Etat détermine le montant des compensations est figé. Autre élément qu’il convient de relever : la subvention de compensation est versée avec un an de décalage. En résulte, pour les collectivités, le risque d’une forte diminution des recettes lors des 3 premières années de montée en puissance du dispositif. Les collectivités pourraient être tentées de remettre en cause une partie de leurs dispositifs d’abattement dans le but « d’optimiser » leurs recettes. Enfin rappelons que la pérennité dans le temps d’une enveloppe de compensations est toujours entourée d’incertitudes.

  • Le dégrèvement prend, lui, la forme d’une aide individuelle accordée par l’Etat au contribuable. Ce dernier s’acquitte toujours de l’impôt, et reçoit ultérieurement l’aide de l’Etat. Ce système n’effrange pas les bases fiscales des collectivités pour lesquelles les pertes de recettes sont nulles. Il laisse intact leur pouvoir de taux.


Que les collectivités accordent leur préférence au dégrèvement n’est pas étonnant. Ce système permet en effet de conserver en l’état les bases fiscales et de préserver les recettes qui leur sont adossées. Au contraire, l’entrée en vigueur d’un dispositif exonératoire peut s’accompagner d’une diminution des ressources à terme mais aussi lors de sa mise en place. Actuellement, 4,4 millions de foyers sont exonérés de TH. A ce titre l’Etat verse une compensation aux collectivités, calculée sur la base des taux appliqué en 1991. Les collectivités locales supportent donc un ticket modérateur proportionnel à l’augmentation de leur taux d’imposition depuis 1991.


Le gouvernement semble vouloir privilégier le mécanisme exonératoire. Dans ce cas, il s’agirait donc d’une compensation fixe, versée directement aux collectivités sous la forme d’une subvention calculée sur la base d’un taux de référence (2016 ou 2017).



Vers une suppression totale de la taxe d’habitation ?

Lors de son intervention à la Conférence des territoires, Emmanuel Macron a affirmé vouloir procéder à la remise à plat des ressources des collectivités. Dans ce cadre, le gouvernement, par la voix de Gérald Darmanin, a exprimé le souhait d’ouvrir le débat sur la nécessité « de conserver ou non » la taxe d’habitation et de « voir l’opportunité de la remplacer en conservant le principe d’autonomie fiscale ». Il n’est donc pas exclu que le dispositif exonératoire porté par le gouvernement pave la voie de la suppression pure et simple de la taxe d’habitation. Le principe d’autonomie financière posé par l’article 72-2 de la Constitution, aux termes duquel il est établi que « les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources », imposerait de lui trouver un substitut – une « part d’impôt national » (CSG, CRDS) pourrait être attribuée aux collectivités (le ministre de la cohésion des territoires en a formulé l’idée).




Sources : OFCE, Policy Briefs, Evaluation de la réforme de la taxe d’habitation d’Emmanuel Macron. Pierre Madec et Mathieu Plane.

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